Autobiographie
« On m'appelle Nuccio, ce n'est pas un pseudonyme, on m'a toujours appelé ainsi parce que mon grand-père, s'appelait Gaetano, et moi à la naissance Gaetanuccio.
Je suis né le 22 octobre 1936 à Brusegana
J’ai grandi dans un couvent profane, dans Brusegana, la province de Padova, à l'intérieur de l'institut agraire « degli Abruzzi de Duca » où mon père était directeur.
Je dois beaucoup de mes choix artistiques à cet endroit peu commun dans lequel j'ai vécu les premières années de mon enfance.
J'étais un enfant très aimé, très chanceux jusqu'à ce que j'ai dix ans.
J'avais grandi toujours en contact de la nature, j’ai appris à connaître depuis toujours les plantes, la campagne, les animaux.
Quand je désire me réfugier dans un coin de sérénité, je pense aux « bonnes choses d'un goût très mauvais » de ma vieille maison pleine de gens; entouré de chaleur, de vie et d’amour.
À ce moment-là je vivais chez ma grand-mère Silvia, et mon grand-père Beppi.
J'avais l'habitude de vivre avec eux lorsque mes parents n’étaient pas en Italie.
Ma grand-mère disait toujours: « Donnons du plâtre à cet enfant au moins il restera tranquille. Et je restais tranquille pendant des heures et des heures, en faisant des objets en plâtre.
Le vieux couvent était entouré par un haut mur et au-delà, un immense jardin plein de fleurs, de fontaines, d’arbres magnifiques, de fruits de tous les types imaginables.
C’était mon royaume. J’allais toujours jouer seul dans ce lieu enchanteur et merveilleux.
L'été, c’était une fête des couleurs et les différents parfums s'étendaient dans le ciel, ainsi les différentes saisons étaient facilement identifiées.
Même en hiver les fontaines devenues des statues de glace, et les arbres nus donnaient à cet endroit des airs magiques.
Je ne me rappelle pas d’avoir jamais pu retrouver ces images dans aucun autre endroit avec mes yeux d’adulte.
L’école, dès les classes primaires, a été un drame atroce.
Vis à vis de mes cousins, parents et amis, j'étais l’exemple du mauvais modèle, à ne pas suivre. Parce qu'à ce moment-là, dans une bonne famille de classe moyenne, être un fils artiste était considéré comme un grand malheur.
Ensuite on m’a envoyé au collège parce que je ne voulais pas étudier, jusqu'à ce que mes instituteurs me jettent dehors pour mon mauvais comportement.
Dans cet institut j'ai appris à jouer du saxophone dès que « j'étais libre » j'ai participé à divers orchestres légers.
Depuis lors, beaucoup d'années ont passé, et cela m’aide de pouvoir vivre de ce jeu merveilleux appelé la « sculpture ».
Cependant cela a été un grand effort et une grande fatigue, parce que cet art exige énormément de force physique et psychique.
Je suis parfaitement averti que vivre avec un sculpteur tel que moi est extrêmement difficile, cela demande, d'aimer mon travail, mes créations, mon enthousiasme, mes dépressions et, en même temps moi en tant que personne.
Je suis toujours dans un « court-circuit » ; mais la sculpture a la puissance splendide de racheter tout, et de me servir d’amortisseur.
Faire la sculpture, signifie, d'une certaine manière faire des œuvres musicales, mais les moyens diffèrent.
Mes travaux racontent les histoires des êtres humains. Les aspects brillants et mats révèlent ces créatures avec leurs ombres et leurs lumières souvent corrodés par l'acide existentiel.
Je voudrais que mes travaux soient légers, ainsi ils pourraient planer dans le ciel, je suis triste en sachant que ce souhait ne pourra jamais devenir réalité».
Nuccio Fontanella - 1936 - † 20.01.2005
Nuccio vu par Nina Brissot-Carrel
«Parler beauté ne serait que pléonasme face aux oeuvres récentes de Nuccio Fontanella. Ce qu'il apporte aujourd'hui est avant tout une atmosphère dans laquelle se fondent pêle-mêle les réminiscences d'une vie de passion.
Fontanella avait ce don, chargé d'éternité: savoir insuffler à chacune de ses créations, un courant de vie fait de plaisir et de douleur. Ses bronzes respirent. Ils dégagent des mouvements traduisant autant de cris de joie que de larmes et de déchirements. Un état en fragile équilibre qui apporte une dimension surréaliste à l'ensemble de l'œuvre et donne une irrésistible envie de s'en approcher, de toucher, de vouloir comprendre.
Mais peut-on véritablement connaître la force profonde qui donnait à Fontanella le pouvoir d'appliquer des sentiments contradictoires à des formes qui, sous ses mains, devenaient des êtres de métamorphoses? Qui peut réellement définir l'irréel Fontanella?
Peut-être faut-il tenter un dialogue avec ses têtes mystérieuses aux masques superposés, avec ses chevaux de feu ou ses centaures en envol ? Peut-être faut-il caresser les formes graciles et torturées de ses sylphides engluées dans un sybaritisme expressif? Faut-il s'installer au sein de ce foyer du surréalisme qu'est son univers si particulier pour tenter de recueillir quelques gouttes de l'esprit coulant sur ce monde beau et fou? Peut-être! Restera toujours, entre l'œuvre et celui qui la regarde, ce voile tissé d'énigme, de pudeur, d'obscurantisme, de clarté. Un voile aux déchirures savantes et figées d'où s'échappe une vie très intime et foisonnante d'imagination.»
Nina Brissot-Carrel